Somalie : « Les gens refusent de me serrer la main »

Publié le 6 mars 2009 sur OSIBouaké.org

Bosasso, 6 mars 2009 - PlusNews - Ahmed Ibrahim, 55 ans, a été testé pour la tuberculose à Bosasso, dans la région autonome du Puntland, dans le nord-est de la Somalie, en 2007. Peu après, il a aussi été dépisté positif au VIH  . Aujourd’hui, il parle ouvertement de son état, mais gérer la stigmatisation est un combat de tous les instants.

« J’étais allé dans une clinique de Bosasso [capitale commerciale du Puntland] pour des maux qui se sont révélés être liés à la tuberculose [TB]. Le médecin m’a référé au Mercy TB centre [à Bosasso], où on pouvait avoir des médicaments gratuitement.

« Il m’a aussi apporté du thé, et nous avons eu une conversation pendant que nous le sirotions. Nous avons parlé du VIH  /SIDA   – je me souviens qu’il m’a demandé si j’avais entendu parler du VIH  . Je lui ai dit que oui. Après une séance de conseil, il m’a fait un test de dépistage du VIH   et m’a dit que j’étais séropositif.

« Ma première réaction a été : ‘si c’est la volonté d’Allah, pas de problème’. J’étais calme et détendu, je pense que c’est dû à la manière dont le médecin s’est occupé de moi. Il m’a assuré que je n’allais pas mourir tout de suite, mais que je vivrais aussi longtemps qu’Allah le voudrait.

« Au Mercy TB centre, on m’a tout de suite mis sous traitement anti-tuberculeux. Au début, j’étais un peu perdu et je ne savais pas comment gérer cette situation. J’avais peur de passer le virus [VIH  ] à mes enfants, ma femme, et d’autres, si nous partagions nos repas ou des ustensiles.

« A un moment, j’ai même envisagé de divorcer de ma femme, je lui ai dit qu’on ne pouvait plus rester ensemble puisque j’avais le VIH   – elle était ma quatrième épouse et la seule qui vivait avec moi, j’étais déjà séparé des autres.

« Elle m’a supplié, elle a dit que c’était la volonté d’Allah que je sois séropositif, et elle m’a convaincu qu’on pouvait toujours vivre ensemble et même avoir des relations sexuelles protégées.

« Mais la société a été dure avec moi. Quand mon chef – je travaillais comme électricien pour le gouvernement du Puntland – a su mon état, il m’a renvoyé. Il m’a dit qu’il ne pouvait pas travailler avec une personne séropositive et il m’a demandé de partir, juste comme ça.

« Certains de mes amis et de mes collègues de travail m’ont aussi traité durement. Quand j’ai avoué mon état, certains m’ont discriminé. Encore maintenant, certaines personnes se moquent de moi et d’autres ne veulent même pas être associés à moi. Les gens refusent de me serrer la main ; ils me saluent seulement d’un signe.

« Le principal problème est le manque d’informations sur le VIH   en Somalie. Maintenant, je m’ouvre aux gens et je parle du VIH   – je leur dit que je suis infecté. Je le fais lors de réunions publiques, dans des rassemblements ou à la radio.

« J’ai aussi monté ma propre entreprise d’électricité, mais tout n’a pas été facile. A un moment, j’étais vraiment en mauvaise santé, j’avais perdu beaucoup de poids, j’étais maigre et faible. J’avais aussi des éruptions cutanées, de la fièvre et des douleurs dans les jambes.

« On m’a soigné à l’hôpital de Bosasso et comme j’étais toujours sous traitement pour la tuberculose, on m’a dit que je ne pouvais pas être mis sous ARV   [antirétroviraux] tout de suite. Depuis, j’ai complètement guéri de ma tuberculose et je prends maintenant des ARV  .

« La vie n’a pas été juste avec moi non plus. Ma femme est morte d’une complication liée à une grossesse quelques mois après l’annonce de mon statut sérologique. Mais je n’ai pas perdu espoir en la vie… Je veux prendre un nouveau départ.

« Je veux me remarier, avec quelqu’un qui comprend mon état et qui est une amie. Je veux être avec quelqu’un qui vit aussi avec le VIH   ».

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