"L’Intraitable beauté du monde. Adresse à Barack Obama", de Patrick Chamoiseau et Edouard Glissant

Obama, président créole

Publié le 4 mars 2009 sur OSIBouaké.org

Pas encore lu...mais OSI Bouaké ne reculant devant aucun sacrifice (surtout librement consenti) pour informer ses lecteurs...nous completerons cet article par notre propre lecture, trés bientôt... En attendant si vous voulez debattre de ce livre, notre forum est à vous...

Didier


LE MONDE - 09.02.09 - Nicolas Truong

De quoi Obama est-il le nom ? De la "créolisation du monde". C’est l’intuition des écrivains antillais Edouard Glissant et Patrick Chamoiseau, dans un précis de poétique politique en forme d’adresse au nouveau président des Etats-Unis d’Amérique. Les deux auteurs défont tout d’abord les lieux communs égrainés depuis son élection. Elu multiculturel, grand frère des pauvres, réunificateur des peuples : aucun de ces "mantras et croyances" n’a, selon eux, de substrat.

Car la vague qui a porté Barack Obama au pouvoir vient de plus loin. C’est celle qui charrie le bois mort "des cimetières des bateaux négriers". Celle de l’Afrique échouée et transmuée en terre d’Amérique. Celle d’un "monde brassé" né du frottement des civilisations. Les deux comparses l’assurent : "Un nègre disposant du plus grand des pouvoirs ne changera rien comme par magie." Et cela même si, en France notamment, grandes écoles, administrations et télévisions tenteront dorénavant d’afficher la couleur et d’arborer leurs précieux "spécimens" issus des minorités visibles. L’élection d’Obama relève de la "créolisation", c’est-à-dire d’une mondialité métissée qui gagne la totalité des espaces territoriaux et mentaux. Une créolisation dont le jazz, fait de l’enchevêtrement des sonorités africaines et occidentales, est l’une des nombreuses illustrations.

Impossible toutefois de donner quitus d’avance au récipiendaire d’un si long combat pour l’émancipation. Car l’utopie n’attend pas. Plutôt qu’une politique des civilisations, Chamoiseau et Glissant lui suggèrent la prolongation d’une "poétique de la relation" qui placerait en interconnexion solidaire le concert des nations. Et proposent quelques mesures d’urgence, comme la création d’un tribunal international pour lutter contre les crimes économiques ou la distribution des charges de misère aux contrées les plus prospères.

L’écueil consisterait cependant à transformer le fait en valeur, à ériger le processus de créolisation en norme, à décréter en somme le métissage comme intrinsèquement supérieur à l’ancrage : d’un côté le petit Blanc étriqué symbolisé par "l’opposante des glaces" (Sarah Palin) et de l’autre le métis ouvert par nature à l’esthétique du divers. Loins de ce travers, Chamoiseau et Glissant préfèrent mener avec superbe le combat contre "le déficit en beauté" que creuserait une politique du repli.


L’INTRAITABLE BEAUTÉ DU MONDE. ADRESSE À BARACK OBAMA de Patrick Chamoiseau et Edouard Glissant. Galaade éd., 64 p., 8 €.

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