Crise financière : Kouchner laisse l’Etat couper les traitements sida promis à l’Afrique
Publié le 13 novembre 2008 sur OSIBouaké.org
Publié le 12 Novembre 2008 par Act Up-Paris et PLUS, Coalition Internationale Sida
Le 8 novembre 2008, durant le Conseil d’Administration du Fonds mondial contre le sida , la tuberculose et le paludisme, la France et les autres pays riches ont imposé diverses coupes sombres et plafonds [1] dans les budgets alloués aux pays pauvres pour lutter contre ces pandémies meurtrières.
C’est la première fois dans l’histoire du Fonds mondial que les donateurs imposent ainsi des coupes et des plafonds aux pays pauvres - concrètement, ce sont des traitements et des vies humaines qui sont coupés. L’argument avancé par les pays riches pour justifier ces coupes est celui la crise financière, et son impact sur les priorités budgétaires des pays riches.
Les pays riches ont imposé ces coupes au Fonds mondial avant même de tenter de trouver des ressources supplémentaires. Pourtant, les 1,400 milliards de dollars mobilisés en quelques jours cet automne pour renflouer les spéculateurs financiers prouvent qu’il est possible de trouver de l’argent, lorsque la volonté politique est là. Par contraste, les coupes visent à économiser entre 1 et 2 milliards de dollars sur le dos des pays pauvres. Face au refus des pays riches de tenter de mobiliser des ressources supplémentaires, les trois membres du Conseil d’administration du Fonds mondial représentant la société civile internationale ont condamné ces coupes en séance plénière, et ont tenté de bloquer l’adoption des coupes, en votant contre. Malheureusement, les membres du Conseil d’Administration représentant des gouvernements de pays pauvres ont fini par céder aux pressions occidentales, et par voter en faveur des coupes qui leurs étaient imposées - les ONG et les malades ont ainsi été mis en minorité par les Etats, et les coupes ont été adoptées.
Un représentant d’Afrique francophone a expliqué son vote pro-coupes en déclarant : « les représentants occidentaux au conseil d’administration nous avaient explicitement menacé de geler le financement des nouveaux projets du Round 8 si nous refusions leurs coupes. En effet, la masse de projets de qualité déposés au Fonds mondial pour financement cet automne est telle qu’elle aurait vidé les caisses du Fonds, ce qui aurait mis les pays riches au pied du mur pour remettre de l’argent. Ces coupes budgétaires leur permettent ainsi de laisser artificiellement de l’argent en caisse, et de déjouer leur obligation à ré-abonder le Fonds. » Ce représentant africain s’est dit disposé à témoigner dans les médias français, sous strict couvert d’anonymat public.
Act Up et Coalition PLUS appellent les pays du Sud à ne pas se laisser décourager, et à continuer au contraire à demander au Fonds mondial de quoi soigner tous les malades du sida , de la tuberculose et du paludisme - malgré les coupes et les plafonds imposés cette semaine. Ces trois maladies sont les plus meurtrières du globe - elles tuent plus de 15,000 êtres humains chaque jour, plus de 6 millions par an. C’est seulement en rappelant aux dirigeants des pays riches le nombre vertigineux de vies qui peuvent être sauvées si tout simplement les promesses étaient tenues, que le Sud a des chances de convaincre le Nord de refinancer le Fonds mondial dans les prochains mois.
Nicolas Sarkozy s’est engagé solennellement, le 7 juin 2007 au sommet du G8, en faveur d’un accès universel au traitement VIH d’ici l’an 2010, pour tous les malades du sida du Sud [2]. Act Up-Paris et Coalition PLUS appellent Bernard Kouchner à confirmer officiellement que la crise financière ne saurait justifier que la France renie ses engagements sanitaires envers le Sud. Bernard Kouchner ne peut être le ministre des affaires étrangères qui laissera mourir le Sud au moment même où l’Etat français alloue 300 milliards d’euros aux spéculateurs boursiers. Bernard Kouchner doit s’exprimer publiquement sur le refinancement urgent du Fonds mondial de lutte contre le sida , la tuberculose et le paludisme.
[1] La liste des coupes et plafonds que les pays riches viennent, pour la première fois dans l’histoire du Fonds mondial, d’imposer aux pays pauvres bénéficiaires du Fonds, est décrite en page 15 du relevé de décision du conseil d’administration du 8 novembre, disponible en ligne.
[2] Voir l’engagement de Nicolas Sarkozy du 7 juin 2007 en faveur d’un accès universel au traitement du sida d’ici 2010, émis lors du sommet du G8 à Heiligendamm.