Accueil >>  Et en Afrique, on dit quoi ? >>  Côte d’Ivoire >>  Elections présidentielles 2010

Côte d’Ivoire : affrontements sanglants à Abidjan


LeMonde.fr avec AFP et Reuters | 16.12.10 | 06h43 • Mis à jour le 17.12.10 | 07h29

Malgré l’échec de sa marche de jeudi, le camp d’Alassane Ouattara entend repartir vendredi 17 décembre à l’assaut de la télévision d’Etat ivoirienne et du siège du gouvernement à Abidjan pour mettre à bas le régime de Laurent Gbagbo, au risque d’un nouveau bain de sang.

Des dizaines de personnes ont été tuées et blessées dans des affrontements en Côte d’Ivoire, jeudi 16 décembre, entre partisans des deux concurrents pour la présidence lors d’une tentative de marche sur la radio-télévision d’Etat ivoirienne pro-Gbagbo RTI, à l’appel d’Alassane Ouattara. L’objectif était de s’emparer d’un pilier du pouvoir du président sortant, la RTI étant, depuis l’éclatement de la crise née de la présidentielle du 28 novembre, tout entière dédiée à la défense du régime.

Le Conseil de sécurité de l’ONU   a mis en garde, jeudi dans une déclaration, les auteurs d’attaques contre des civils : "Les membres du Conseil de sécurité avertissent toutes les parties que ceux qui seront tenus pour responsables d’attaques contre des civils seront traduits en justice, en accord avec la loi internationale."

UN BILAN INCERTAIN

Le dernier décompte transmis jeudi soir, selon un communiqué du gouvernement de Laurent Gbagbo, faisait état de vingt morts (dix manifestants et dix membres des forces de l’ordre). Amnesty International indiquait auparavant que des tirs des forces de l’ordre à Abdijan avaient fait au moins neuf tués dans les rangs des partisans d’Alassane Ouattara, qui conteste la légitimité du maintien à la présidence de Laurent Gbagbo.

Auparavant, un bilan provisoire de ces mêmes affrontements recueilli par des journalistes de l’AFP avait fait état de six morts. Le camp de M. Ouattara a fait état "d’une trentaine de morts et de 110 blessés", sans que ces chiffres puissent être confirmés de sources indépendantes. De leur côté, les Forces nouvelles de Guillaume Soro, qui soutiennent M. Ouattara, ont par ailleurs annoncé deux morts et un blessé dans ses rangs dans les combats contre les Forces de défense et de sécurité (FDS) à proximité de l’Hôtel du Golf, qui abrite le QG de M. Ouattara. Jeudi soir, quelque huit cents casques bleus étaient postés autour de l’Hôtel du Golf pour sécuriser le QG.

Joint à 14 h 30, Jean-Philippe Rémy, envoyé spécial du Monde à Abidjan, faisait état de tirs nourris à l’arme automatique à proximité du quartier général d’Alassane Ouattara, même si "l’Hôtel du Golf n’[était] pas attaqué".

A la mi-journée, les tirs avaient cessé et les FDS, loyales à M. Gbagbo, qui avaient reçu des renforts, tenaient toujours le barrage, a constaté un journaliste de l’AFP.

D’AUTRES VIOLENCES À YAMOUSSOUKRO

D’autres affontements ont eu lieu jeudi après-midi dans le centre du pays, à Tiébissou, à 40 kilomètres au nord de la capitale politique, Yamoussoukro. Une colonne de 4 × 4 transportant des membres des Forces nouvelles a tenté de franchir un poste de contrôle des FDS, a indiqué à l’AFP une source militaire ivoirienne. "Ils ont tiré plusieurs roquettes [de type RPG7] sur notre position, et nos éléments ont riposté. Ils se sont repliés pour revenir", a affirmé cette source sous le couvert de l’anonymat. Des habitants fuyant la ville ont déclaré que les échanges de tirs avaient duré trois heures au moins.

Les Forces nouvelles affirment que sept des leurs ont été blessés par balles, alors que le porte-parole de l’Opération des Nation unies en Côte d’Ivoire (Onuci), Hamadoun Touré, avait indiqué que les violences avaient fait une vingtaine de blessés, dans la capitale politique.

CRAINTE D’UN RETOUR À LA GUERRE CIVILE

Devant l’affrontement prévisible, le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno-Ocampo, a prévenu qu’il "engagerait des poursuites" contre quiconque serait responsable de violences meurtrières, dans un entretien à la télévision France 24.

La France, elle, a appelé "à la retenue de part et d’autre". La ministre des affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, a confirmé que Paris n’avait pas l’intention d’intervenir militairement en cas de violences. Dans ce cas, s’interposer, "c’est le devoir de la communauté internationale. L’ONU   à travers l’Onuci, c’est-à-dire les forces internationales [en Côte d’Ivoire], est là pour essayer d’éviter la violence", a-t-elle dit.

Environ neuf cents soldats français de l’opération Licorne sont déployés dans le pays, avec pour mission de soutenir les forces des Nations unies. Ces soldats sont en capacité d’évacuer les quelque quinze mille ressortissants français si nécessaire, a indiqué Alain Juppé, ministre de la défense.

Tout comme la France, une vingtaine d’ONG – parmi lesquelles la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme et Human Rights Watch – ont lancé un appel au calme aux deux camps. Elles estiment à "plusieurs dizaines" le nombre de morts dans le pays depuis le scrutin.

Avec deux présidents et deux premiers ministres, la crise politique née du scrutin s’aggrave en Côte d’Ivoire.

Avec deux présidents et deux premiers ministres, la crise politique née du scrutin s’aggrave en Côte d’Ivoire.REUTERS/LUC GNAGO

Alors que le chef de l’ONU  , Ban Ki-moon, redoute un "retour à la guerre civile" dans ce pays coupé en un Sud aux mains du camp Gbagbo et un Nord contrôlé par les Forces nouvelles depuis le coup d’Etat manqué de 2002, l’armée a averti qu’elle tiendrait les Nations unies, qui selon elle soutiennent la marche, pour responsables d’éventuelles violences.

M. Ouattara a été désigné vainqueur de la présidentielle par la Commission électorale et reconnu président par une communauté internationale quasi unanime. Mais le Conseil constitutionnel ivoirien, acquis au sortant, a invalidé ces résultats et proclamé la victoire de M. Gbagbo. Face à ce blocage lourd de menaces, le président de la Commission de l’Union africaine, Jean Ping, pourrait se rendre d’ici à vendredi à Abidjan pour relancer les efforts de médiation.

Pour en savoir plus :


VOIR EN LIGNE : Le Monde
Publié sur OSI Bouaké le vendredi 17 décembre 2010

 

DANS LA MEME RUBRIQUE