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"Un monde tortionnaire. Rapport ACAT-France 2011" : l’"implacable engrenage"

2ème rapport de l’ACAT France sur la torture dans le monde


Livre du jour | Le Monde | 04.01.12 | Florence Beaugé |

Près d’un pays sur deux pratique la torture, aujourd’hui, dans le monde. C’est le constat accablant que fait l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT). "Du waterboarding à la falaqa, bienvenue dans un monde tortionnaire !" L’ACAT-France ouvre en ces termes son rapport annuel, le deuxième du genre.

Faire savoir : tel est l’objectif de cette ONG, car la torture est toujours accompagnée d’efforts pour la dissimuler, la relativiser, voire la banaliser. Il est essentiel de dévoiler cette pratique et d’en démonter les rouages, afin que le plus grand nombre possible de gens "prennent conscience de ce fléau, s’en indignent et passent progressivement de l’indifférence à l’attention, puis à l’action", insiste François Walter, le président de l’ACAT-France.

De son côté, Jean-Etienne de Linares, le délégué général de cette ONG, rappelle que la torture étant "un implacable engrenage", il faut la refuser avant d’y basculer.

La torture est-elle en augmentation ou en diminution dans le monde ? Difficile de répondre. Contrairement aux exécutions capitales, ce phénomène peut prendre des formes inédites (tortures délocalisées, viols...). Par ailleurs, il faut dire les succès remportés, "sinon le désintérêt ou la résignation peuvent s’installer devant l’ampleur et la pérennité de cette calamité", souligne François Walter.

L’action est en effet payante. Certes, la torture ne disparaît pas de la surface de la terre, mais, chaque année, l’ACAT réussit à extraire quelque 200 victimes des mains de leurs bourreaux, et cela est déjà un succès. En 2000, un sondage révélait qu’un Français sur quatre jugeait la torture acceptable dans certains cas. Qu’en serait-il aujourd’hui, après le 11-Septembre et des années de propagande en faveur de l’utilisation de "techniques d’interrogatoire renforcé" dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ? Le rapport de l’ACAT-France donne la parole à des chercheurs et acteurs de la lutte contre la torture. Sandra Lehalle, professeur de criminologie à l’Université d’Ottawa, démonte la fable du "scénario de la bombe à retardement", ultime argument des zélateurs de la torture.

Pour elle, comme pour le philosophe Olivier Abel, l’interdiction absolue de la torture est "un impératif moral à défendre". Eric Sottas, cofondateur de l’Organisation mondiale contre la torture, dissèque les causes socio-économiques et culturelles de la torture. L’avocate Sylvie Bukhari-de Pontual dresse un bilan de l’efficacité des mécanismes onusiens de prévention et de lutte contre la torture.

Mais le témoignage le plus fort est sans doute celui de Khaled Sid Mohand, journaliste algérien indépendant de 40 ans. Quand il est arrêté à Damas en avril, tabassé puis placé à l’isolement pendant trois semaines par les moukhabarats, les hommes de main du régime de Bachar Al-Assad, cela fait trois ans que ce journaliste est installé en Syrie. En cause : ses récits dans la presse française sur le "printemps arabe" qui gagne la Syrie.

Les passages à tabac répétés qu’il endure pendant sa détention ? Khaled Sid Mohand les qualifie de "baisers" à côté de ce que les autres détenus, y compris de très jeunes adolescents, ont subi. Ce journaliste algérien ne parle pas pour lui, mais pour les autres.

D’où la force de son récit. "Tous les jours, parfois toutes les nuits, j’ai entendu des gens torturés, j’ai entendu leurs cris crescendo, crescendo, crescendo, jusqu’à ce que des hommes d’âge mûr soient transformés en petites filles", raconte-t-il. Difficile, en lisant ces lignes, de ne pas penser à La Question du journaliste Henri Alleg, petit livre autobiographique publié en 1958 en pleine guerre d’Algérie...

  • Un monde tortionnaire. Rapport ACAT France 2011, 380 pages, acat@acatfrance.fr
  • Télécharger le rapport ci-dessous
.: Un monde tortionnaire. Rapport 2011 de l’ACAT France. :.

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Publié sur OSI Bouaké le mardi 10 janvier 2012

 

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