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Sida : "Les malades des pays riches et pauvres vont avoir les mêmes médicaments"


LeMonde.fr | 14.07.11 |

Le laboratoire pharmaceutique américain, Gilead Sciences, premier fabricant mondial d’antirétroviraux, a signé mardi avec Unitaid   un accord destiné à favoriser la vente à bas prix d’antirétroviraux aux pays pauvres. Pour Philippe Douste-Blazy, directeur exécutif de Unitaid  , organisation dont l’objet est notamment de négocier le prix des médicaments contre le sida  , il s’agit d’une "avancée considérable" qui devrait permettre de soigner de la même façon tous les malades du sida   au monde.

Quels changements dans la lutte contre le sida   peut-on espérer avec la signature de cet accord ?

Pour la première fois, les malades des pays riches et les malades pays pauvres vont avoir les mêmes médicaments. C’est une avancée historique, considérable dans l’histoire de l’humanité. Les nouveaux médicaments qui voient le jour dans les pays occidentaux sont les plus efficaces, ceux qui ont le moins d’effets secondaires, mais sont aussi les plus chers. Or aujourd’hui, en raison des accords sur la propriété intellectuelle, les brevets des médicaments sont protégés entre quinze et vingt ans. C’était une honte de penser que des malades dans les pays riches pouvaient être soignés et qu’il fallait attendre quinze ans pour soigner de la même manière les malades dans les pays pauvres. Cela va changer.

Combien de malades devraient bénéficier de ces médicaments génériques ?

Seulement 40 % des malades du sida   dans le monde sont soignés actuellement et 60 % ne le sont pas, ce qui représente dix millions de personnes. La communauté de brevets [mise en place par Unitaid  , elle consiste à faciliter l’accès des pays pauvres aux nouveaux médicaments en obtenant des grands laboratoires privés qu’ils abandonnent précocement leurs droits sur les brevets pour permettre la fabrication de génériques] va donc permettre de soigner ces dix millions de gens qui ne sont pas traités. Il n’y aura plus la barrière du médicament.

Ce premier accord signé avec le laboratoire Gilead peut-il en générer d’autres ?

Nous l’espérons. Nous sommes en discussion avec les plus grands laboratoires pharmaceutiques au monde. Nous avons voulu rendre public la signature de l’accord avec Gilead, car c’était très important pour nous de montrer aux autres laboratoires que le train est en marche. Les attirer représente un intérêt double. Cela permet d’abord de casser les prix en rendant beaucoup moins cher le prix des médicaments, de sorte que les organisations comme Unitaid   puissent les acheter. Cela pourrait aussi permettre de faciliter la prise de médicaments dans une trithérapie, notamment pour les enfants. Au lieu de prendre trois médicaments provenant chacun d’un laboratoire différent, nous pourrions être capable, grâce à l’utilisation des brevets de ces laboratoires, de créer un médicament unique qui n’existait pas avant. Pour l’enfant, ce sera beaucoup plus simple de prendre un seul médicament que d’être obligé d’en prendre trois.

Quels critères ont été retenus pour dresser la liste des pays où la licence va s’appliquer ?

Cela fait partie des grandes négociations que nous avons avec les laboratoires pharmaceutiques. Permettre aux génériqueurs de produire des médicaments à destination des pays à bas revenus, cela ne pose pas de problème aux laboratoires car ces pays ne représentent pas un marché pour eux. En revanche, les discussions sont plus compliquées pour les pays à moyens revenus, comme l’Inde, la Chine ou le Brésil, des pays qui vont gouverner le monde dans trente ans et qui représenteront un marché pour les laboratoires, mais qui sont encore considérés comme pauvres aujourd’hui.

La grande discussion est donc de savoir si l’on place ces pays dans la liste ou pas. Nous, nous voulons les inclure car nous disons que l’épidémie y est très très importante. Gilead a accepté ce principe : on s’est mis d’accord pour inclure les pays à bas revenus et les pays à moyens revenus. Je salue leur démarche et je suis persuadé que d’autres vont venir. Car selon nous, il y a trois gagnants à cet accord. C’est d’abord bon pour le laboratoire pharmaceutique qui améliore son image et ses finances grâce aux royalties. C’est aussi bon pour les génériqueurs car on leur donne du travail. Et c’est surtout bon pour les malades qui vont pouvoir être mieux soignés.

Après la baisse des coûts des médicaments, quel est le prochain objectif ?

Le succès d’Unitaid  , et notamment de la taxe sur les billets d’avion qui a permis de récolter 2,3 milliards de dollars en quatre ans et demi, nous permet de dire qu’il faut maintenant faire une taxe sur les transactions financières. J’espère que le G20, qui aura lieu le 4 novembre sous présidence française, sera un succès sur ce dossier. Mais il faut aussi qu’il y ait en place les dispensaires pour donner les soins et distribuer les médicaments. Les financements innovants, associés à l’aide publique au développement, doivent aider à mettre en place un système de santé public pays par pays. Propos recueillis par Romain Brunet


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Publié sur OSI Bouaké le jeudi 14 juillet 2011

 

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