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Le risque d’élections au rabais en Côte-d’Ivoire

Gbagbo a obtenu le départ du représentant de l’ONU chargé de superviser le vote.


Par Thomas Hofnung - Libération - Lundi 6 août 2007

Pendant plus d’un an, à la tête d’une petite équipe à Abidjan, il a travaillé à l’organisation d’un scrutin crucial pour la Côte-d’Ivoire qui, finalement, se déroulera sans lui. A la mi-juillet, le Haut représentant pour les élections (HRE), le Suisse Gérard Stoudmann, a été remercié par l’ONU  , à la demande expresse du président Laurent Gbagbo. Ce dernier, qui pourrait annoncer aujourd’hui la date des élections lors d’une allocution télévisée, l’accusait de se comporter en « gouverneur ». Pour éviter un conflit avec Abidjan, alors que les ex-rebelles de Guillaume Soro et le camp présidentiel ont officiellement scellé leur réconciliation avec les accords de Ouagadougou, signés en mars, l’ONU   a opté pour un compromis : la résolution 1765 entérine la disparition du poste de HRE, mais maintient une certification de « toutes les étapes » du processus électoral. « Coudées franches ». « L’ONU   a voulu sauver les meubles », estime Stoudmann, qui s’exprime ici pour la première fois depuis son limogeage. « Le chapitre de la guerre civile ne sera clos qu’avec l’organisation d’élections transparentes et crédibles en Côte-d’Ivoire » rappelle-t-il, avant d’ajouter : « La suppression du poste de HRE au moment même où on se rapproche des élections pose question. » D’autant que la supervision du processus électoral est désormais confiée à un représentant spécial. dont la nomination par New York se fait attendre depuis février, faute de candidats ! L’enjeu pourtant n’est pas mince. Pour de nombreux observateurs, la situation en Côte-d’Ivoire s’est violemment dégradée avec l’élection présidentielle de 2000, jugée « calamiteuse » par son propre vainqueur, Laurent Gbagbo. Deux de ses principaux rivaux - Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié - avaient été exclus du scrutin pour des motifs jugés fallacieux par leurs partisans et la plupart des observateurs étrangers. Pourquoi Laurent Gbagbo a-t-il exigé la suppression du poste d’arbitre du HRE ? Selon Stoudmann, qui a travaillé au sein de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dans les Balkans : « Pour avoir les coudées franches dans l’organisation des élections, sans interférence extérieure. Il tient absolument à remporter le prochain scrutin, c’est une question de survie politique pour lui. » Le chef de l’Etat ivoirien n’ira-t-il aux urnes que s’il est sûr de gagner ? « C’est une condition sine qua non pour lui. » Une course de vitesse vient de s’engager à Abidjan. Le 30 juillet, lors de sa première visite à Bouaké, le fief des ex-rebelles, depuis la tentative de coup d’Etat dont il a été l’objet en septembre 2002, Gbagbo a déclaré vouloir aller « vite, vite, vite » aux élections. Au risque d’escamoter la réfection des listes électorales, disent ses opposants. « Ivoirité ». Vendredi, le Premier ministre et ex-chef rebelle Guillaume Soro a, pour sa part, annoncé la reprise imminente du processus d’identification de la population, prélude indispensable à l’organisation d’élections fiables. Au moins deux millions de personnes seraient privés de papiers d’identité. Parmi eux, de nombreux « nordistes », dont la nationalité est contestée par les tenants de l’ « ivoirité ». « Si le processus d’identification et d’inscription sur les listes n’est pas crédible, ces élections seront la source de nouveaux problèmes », prévient Stoudmann. La semaine dernière, Alassane Ouattara a violemment critiqué la suppression du poste de HRE : « Si cette décision est maintenue, je ferai le tour du monde pour dire que tout ce qui va résulter comme désordre à l’issue des élections sera de la responsabilité des Nations unies. » Et d’ajouter qu’il ne laissera « personne (nous) voler notre victoire à quelque niveau que ce soit. » Paris, qui maintient 3 000 soldats dans son ancienne colonie pour parer à toute reprise du conflit, veut prendre Gbagbo au mot. Pour la première fois depuis son élection, Nicolas Sarkozy a téléphoné, jeudi, à son homologue ivoirien pour l’appeler à « de nouveaux progrès conduisant à des élections libres et transparentes. » La veille, Gbagbo avait prévenu : « La France ne doit plus mettre son nez dans les affaires de la Côte-d’Ivoire. »


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Publié sur OSI Bouaké le lundi 6 août 2007

 

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