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Guinée : Les réfugiés ivoiriens veulent retrouver leur centre de formation


Kouakan, 20 août 2009 (Irin) - Les Ivoiriens du camp de réfugiés ’Kouankan 2’, dans le sud-est de la Guinée, font ce qu’ils peuvent pour entretenir le centre de formation professionnelle du camp dont la survie, selon les réfugiés et les travailleurs humanitaires, est cruciale tant pour le présent que pour l’avenir de la communauté.

Le 4 août, une distribution de vivres avait lieu au camp, situé dans la région de N’zérékoré, et le centre de formation était vide, à l’exception de deux hommes qui faisaient fonctionner des machines à coudre à pédale. Mais même en temps normal, ont-ils dit à IRIN, le centre n’est pas aussi animé qu’il y a quelques années.

« Avant, des centaines de personnes fréquentaient chaque jour le centre », s’est souvenu Sanogo Moriba, 39 ans, l’un des 3 369 Ivoiriens de Kouankan 2. Il s’est porté volontaire pour y enseigner la couture. « Maintenant, les gens sont tellement découragés ».

Depuis la rébellion de 2002, en Côte d’Ivoire, des milliers d’Ivoiriens sont venus trouver refuge en Guinée et dans d’autres pays voisins.

La couture et la menuiserie sont les deux seules activités du centre ; des réfugiés qui connaissent le métier se portent volontaires pour former les autres et les revenus des ventes servent à financer le matériel. Jusqu’en 2007, on y fabriquait du savon, on y teignait des cravates, on y apprenait la coiffure et les formateurs étaient payés pour leur travail, selon le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) dans la région de N’zérékoré.

Mais avec le départ, en décembre 2007, de l’ONG JRS (Jesuit refugee services, Service jésuite des réfugiés), qui finançait et gérait le centre, ces activités ont cessé, selon le HCR. Au cours des dernières années, un certain nombre d’ONG internationales ont quitté le sud-est de la Guinée suite au déclin des aides destinées aux centaines de milliers de réfugiés libériens et sierra léonais.

Par ailleurs, le budget 2009 du HCR destiné aux réfugiés ivoiriens avait été largement fixé en prévision de la tenue d’une élection présidentielle en 2008 en Côte d’Ivoire et du rapatriement subséquent de la plupart des réfugiés, d’après Pierre Njouyep, chef de la délégation du HCR de la région de N’zérékoré. Mais l’élection a été annulée et les Ivoiriens de Kouankan 2 disent n’être pas prêts à retourner à cause de l’incertitude permanente.

Depuis 2007, la Croix-Rouge guinéenne est présente à Kouankan 2 et elle a repris, en janvier 2008, certaines activités de JRS, notamment la gestion du centre de formation, selon Mohamed Nasser Keïta, coordinateur social de la Croix-Rouge. Il a ajouté que JRS avait laissé du matériel pour la couture et la menuiserie.

« Les Ivoiriens ont manifesté le désir de relancer [les autres] corps de métier », a indiqué M. Keïta à IRIN.

D’après M. Njouyep, le HCR est à la recherche de financement pour soutenir les activités du centre. En juillet, le HCR aurait rencontré des bailleurs de fonds à Conakry, la capitale guinéenne, afin de leur présenter les besoins de financement actuels.

L’agence des Nations Unies pour les réfugiés apporte également son soutien aux Libériens et aux Sierra Léonais qui ne peuvent pas retourner chez eux ou qui ont choisi de ne pas le faire, notamment aux Libériens du camp voisin de ’Kouankan 1’.

Travail et guérison

D’après Mansaré Moussa Kaba, de la Croix-Rouge guinéenne, le centre de formation ne sert pas seulement à assurer aux réfugiés un moyen de subsistance à l’avenir, mais également à garantir leur bien-être et leur stabilité sociale.

Selon lui, il peut être préjudiciable, voire dangereux, de ne pas proposer d’exutoire aux jeunes du camp. S’ils sont désouvrés, plusieurs d’entre eux risquent de se tourner vers les drogues et d’autres comportements dommageables pour eux ou pour les autres.

M. Kaba, qui s’occupe d’un centre pour les victimes de violences sexuelles, situé dans le camp, a dit que le centre de formation contribuait aussi à leur guérison. A proximité du centre, une femme a raconté à IRIN avoir été victime d’un viol collectif pendant la rébellion en Côte d’Ivoire. « Voilà l’une de nos apprenties », a dit M. Kaba. Et ils ont souri tous les deux. « Pour ne pas que les victimes soient isolées au camp, on les ramène ici, où elles peuvent apprendre la couture, la broderie, la coiffure ou d’autres techniques », a-t-il dit à IRIN. « Si elles sont laissées [de côté], après l’action [violente], elles vont s’isoler et ça va créer d’autres vulnérabilités en elles ».

M. Keïta, de la Croix-Rouge, a dit à IRIN que le centre de formation offrait auparavant un service de garderie qui permettait aux jeunes mères de venir apprendre un métier. « Malheureusement, depuis qu’il n’y a plus cette option, beaucoup de femmes se tournent vers la prostitution ou le travail dans les mines », a-t-il ajouté. « Il arrive souvent que les jeunes femmes soient exploitées lorsqu’elles vont chercher du travail dans les villages voisins ».

Lassitude des bailleurs de fonds ?

Des Ivoiriens du camp ont dit à IRIN qu’avec la suppression progressive des vastes opérations d’aide dont bénéficiaient les Libériens et les Sierra Léonais, ils avaient l’impression que la situation des réfugiés en Guinée échappait au radar de la communauté internationale.

« C’est comme si les bailleurs de fonds avaient placé la communauté ivoirienne et les réfugiés sierra léonais et libériens en Guinée dans le même panier », a dit B. Toualy Apolinaire, un réfugié ivoirien, à IRIN.

« Et les Ivoiriens qui sont ici maintenant ? », a-t-il ajouté. « Ce centre de formation pourrait offrir aux réfugiés la possibilité d’apprendre un métier ».

D’après M. Toualy, malgré les besoins urgents des réfugiés ivoiriens, les bailleurs de fonds semble faire preuve d’une certaine lassitude. « Tout ce qu’on nous dit c’est : ’il n’y a pas assez d’argent’. Les bailleurs de fonds et les ONG doivent dissocier l’aide accordée pendant toutes ces années à ces réfugiés, et notre cas ».

En juillet, le HCR a lancé un appel de fonds destiné à combler le manque de ressources pour mener à bien les projets d’aide aux réfugiés ivoiriens ainsi que ce que l’agence appelle les programmes « d’autonomie » [self-reliance] pour les réfugiés sierra léonais et libériens qui restent en Guinée, notamment des activités génératrices de revenus et des aides agricoles.


Publié sur OSI Bouaké le mercredi 26 août 2009

 

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