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Biens mal acquis des dictateurs. Survie porte plainte.

En déposant plainte, le 27 mars dernier, contre des dirigeants africains pour « recel de détournement de biens publics et complicité », Survie entend contribuer à la lutte contre l’impunité des crimes économiques de la Françafrique / Mafiafrique et se rendre solidaire des populations spoliées qui revendiquent la saisie et la restitution des biens « mal acquis » par leurs dictateurs.


« Recel de détournement d’argent public »

C’est aux côtés de l’association Sherpa et de la Fédération des Congolais de la Diaspora (FCD) que Survie a porté plainte pour « recel de détournement de biens publics et complicité » contre plusieurs Chefs d’Etats africains et leurs familles, propriétaires en France de nombreux biens immobiliers de luxe et détenteurs d’avoirs bancaires auprès de banques françaises et/ou de banques étrangères ayant des activités en France.

Cette plainte, déposée par l’avocat William Bourdon (également président de Sherpa) auprès du Procureur de la République près du Tribunal de Grande Instance de Paris, vise tout particulièrement Omar Bongo (Gabon) et Denis Sassou N’Guesso (Congo) ainsi que leurs familles.

Elle repose sur un certain nombre d’enquêtes sérieuses qui laissent penser que les biens immobiliers et les avoirs bancaires en France de ces dirigeants ont été acquis grâce au détournement de l’argent public de leur pays, au détriment de leurs populations, exclues de toute redistribution des ressources de l’Etat.

Si l’infraction principale (le détournement) a été commise à l’étranger, le recel (c’est-à-dire la dissimulation, la détention, la transmission ou le fait de bénéficier en toute connaissance de cause de ce détournement) est quant à lui commis en France. Les plaignants ont donc estimé que le juge français était compétent pour enquêter sur ce délit.

Populations paupérisées contre riches dictateurs

Dans les pays riches en matières premières que sont le Gabon ou le Congo, les services publics (santé, éducation, transport, accès à l’eau ou à l’électricité, etc.) sont en déliquescence tandis que M. Bongo et sa famille possèdent un hôtel particulier et quatre appartements situés dans le 16ème arrondissement de Paris, ou que M. Sassou N’Guesso possède (vraisemblablement) un hôtel particulier de 700 m2, estimé entre 5 et 10 millions d’euros dans les Yvelines ainsi qu’un appartement à Paris. Sans compter plusieurs biens immobiliers en région parisienne attribués aux proches du président congolais dont un luxueux appartement de 550 m2 à Courbevoie (Hauts-de-Seine) estimé entre 2,5 et 3 millions d’euros.

La liste de ces biens appartenant ou supposés appartenir à des dirigeants africains ainsi qu’à leur famille est longue. Ils ont été répertoriés dans un rapport du Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement (CCFD) intitulé Biens mal acquis...profitent trop souvent (téléchargeable en fin d’article)

Ce rapport, ainsi que la plainte déposée par Survie, repose sur de nombreuses enquêtes journalistiques mais aussi sur plusieurs rapports d’organisations internationales (ONU  , OCDE, UE  ) et d’ONG (Transparency International, Global Whitness, Plateforme Dette & Développement, etc.).

Une plainte pour faire avancer le droit international

Pour Survie, il s’agit d’être solidaire du combat mené par les populations africaines en faveur de la démocratie et contre le pillage des ressources publiques. Il s’agit aussi de dénoncer le concours des autorités françaises dans ces détournements de fonds (soutien à des dictateurs, aide budgétaire sans conditionnalités, appui aux entreprises françaises d’exploitation pétrolière, etc...). Comment la France peut-elle en effet continuer à verser de l’aide au développement à des pays dont les dirigeants détournent l’argent public à leur seul profit ? N’y a-t-il pas là une contradiction évidente ?

Si en 2005, l’aide publique mondiale au développement (APD) s’élevait à 106 milliards de dollars, la seule restitution des avoirs volés par les chefs d’Etat des pays du Sud pourrait atteindre 200 milliards de dollars (voir rapport en fin d’article)

En déposant cette plainte, nos associations veulent également pousser la France à se mettre en conformité avec l’ensemble de ses engagements publics et internationaux concernant la lutte contre le détournement d’argent public et la corruption [1]

On sait qu’en France les Chefs d’Etat bénéficient de l’immunité due à leur fonction. Toutefois, le « mouvement du droit international », relayé par des juridictions nationales, tendrait aujourd’hui à considérer qu’un chef d’Etat en exercice ne peut se prévaloir d’une quelconque immunité, s’agissant de biens mobiliers ou immobiliers, dès lors qu’il existe des présomptions sérieuses que leur acquisition s’est faite au prix de la commission d’une infraction tel le détournement.

Toujours est-il que si ces Chefs d’Etat sont « intouchables », les membres de leurs familles ne peuvent quant à eux se prévaloir d’une quelconque immunité. De plus, comme le délit de recel est un délit continu, tant que dure le recel, les « futurs ex-chefs d’Etats » pourraient un jour devoir rendre des comptes devant la justice.

In fine, outre l’inculpation des principaux accusés, il s’agit d’amener la saisie et la restitution de ces biens mal acquis conformément aux revendications émises par des ONG françaises dans le cadre de la campagne « 2007 Etat d’urgence planétaire » , ainsi que par 200 organisations de la société civile africaine à travers un Appel élaboré au dernier Forum Social Mondial à Nairobi et lancé lors du Sommet citoyen France-Afrique à Paris en février 2007.

.: Biens mal acquis...profitent trop souvent :.

un rapport du Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement (CCFD) - 1,2 Mo


[1] La France a été en première ligne, lors de la réunion du G8 à Evian (juin 2003), pour demander le rapatriement vers les pays concernés des biens détournés. Elle a également été le premier des pays du G8 à ratifier la convention internationale des Nations Unies de lutte contre la corruption, dite de Mérida, qui fait de la restitution des biens et argent détournés un principe fondamental du droit international


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Publié sur OSI Bouaké le vendredi 20 avril 2007

 

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