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"Nous redoutons que les soins psychiatriques sans consentement deviennent la règle"



Le Monde pour Le Monde.fr | 10.05.11 | Chat modéré par Emmanuelle Chevallereau

Dans un chat sur LeMonde.fr, Angelo Poli, président du Syndicat des psychiatres d’exercice public (SPEP), regrette que le projet de loi actuellement débattu au Sénat n’ait pas été précédé d’une véritable concertation.

Gilles : Pour quelles raisons vous opposez-vous aux soins en ambulatoire sans consentement qui, a priori, semblent poursuivre le mouvement de désinstitutionnalisation entamé à la fin des années 1960, et qui, de fait, existent déjà sous la forme des sorties d’essai ?

Angelo Poli : Le projet de loi sur les soins psychiatriques actuellement débattu au Sénat est critiqué par les magistrats et par les psychiatres. Sur ce point, mais pas seulement.

Effectivement, comme vous le dites, les sorties d’essai existent et lorsque l’on se contente de lire le texte au premier degré, on peut avoir l’impression que les soins ambulatoires sans consentement sont au fond une nouvelle manière de formuler les sorties d’essai.

Le problème, c’est qu’effectivement, à un deuxième degré, les psychiatres et les magistrats s’interrogent sur le rôle que l’on veut leur faire jouer. En effet, rappelons que cette réforme de la loi de 1990 devait se faire dans les cinq ans. Il y a eu plusieurs groupes de travail qui ont fait des propositions, mais il y avait déjà eu une première tentative en 2007 d’introduire la réforme de la loi de 1990 dans un texte émanant du ministère de l’intérieur qui avait attiré l’opposition de l’ensemble des professionnels.

Entre-temps aussi, il y a eu le discours du président de la République à Antony, le 2 décembre 2008, qui a insisté sur l’aspect sécuritaire qu’il souhaitait donner à ce texte. Entre-temps également, il y a eu une circulaire du 6 janvier 2010, cosignée ministère de l’intérieur-ministère de la santé, qui donnait pouvoir aux préfets de s’opposer aux sorties d’essai.

Ce qui fait qu’aujourd’hui, les professionnels – il s’agit donc d’une lecture au deuxième degré du texte – redoutent que ce qui était quelque chose d’exceptionnel, une sortie d’essai, devienne quelque chose de banal et de banalisé à travers les soins ambulatoires sans consentement, que cela devienne une règle, et que cela nous amène à devenir des contrôleurs sociaux.

Marion : Que recouvre concrètement cette nouvelle procédure de "soins sans consentement" ? Pourquoi se distingue-t-elle de "la sortie d’essai" ?

Rappelons que lorsque quelqu’un va mal, présente une pathologie mentale aiguë, il est hospitalisé sous contrainte. Ce qui veut dire que le psychiatre et l’équipe soignante ont la possibilité d’obliger le patient à recevoir un traitement.

Lorsqu’il va mieux, lorsqu’il est stabilisé et a mieux compris ses difficultés, on peut utiliser une possibilité, la sortie d’essai : il va pouvoir aller à son domicile, dans sa famille, pour quelques jours, mais reste sous la responsabilité de l’hôpital.

Quand il s’agit d’une hospitalisation sur demande d’un tiers (HDT), cette sortie d’essai se fait simplement sur proposition du médecin traitant. Lorsqu’il s’agit d’une hospitalition d’office (HO), le médecin traitant fait une demande au préfet, qui accepte ou n’accepte pas cette sortie d’essai et précise la durée de celle-ci. L’usage jusqu’à il y a deux ans était que pratiquement à 99 %, les préfets suivaient les propositions des médecins.

Depuis dix-huit mois environ, il y a beaucoup plus de difficultés à obtenir des sorties d’essai, car le préfet sent sa responsabilité engagée, rappelée par le président de la République, et nous demande des garanties.

Les soins ambulatoires sans consentement auraient pu être une prise en charge qui se fasse sans passer par l’hospitalisation, le but étant de contraindre un malade à prendre un traitement et à accepter un suivi.

Le choix du gouvernement a été de passer systématiquement par au minimum une période d’hospitalisation de 72 heures, au terme de laquelle peuvent être mis en place des soins ambulatoires sans consentement.

La différence fondamentale entre les deux systèmes est que la sortie d’essai permettait de vérifier que le patient allait effectivement mieux dans son milieu familial. Les soins ambulatoires sans consentement sont plutôt un engagement de l’équipe soignante à faire que le patient reste stable pendant longtemps. Or le but des soignants est effectivement de sortir du système de contrainte, pour passer à celui de convaincre le patient, où l’on prend le temps d’entrer en relation avec celui-ci, de créer une relation de confiance avec lui, pour l’amener à accepter l’idée qu’il est effectivement malade, qu’il a besoin d’un traitement et d’un suivi, d’un accompagnement.

La différence fondamentale est donc que pour nous, les sorties d’essai étaient quelque chose de provisoire – le temps d’arriver à construire quelque chose avec le patient – et nous redoutons que les soins ambulatoires sans consentement soient quelque chose de durable, dans la mesure où il y aura, entre le médecin et son patient, un tiers qui sera le préfet et/ou le juge.

Ces derniers auront le droit, chacun de leur côté, de dire : nous estimons que cette personne a encore besoin de soins sans consentement.

Franck : Je suis en sortie d’essai depuis maintenant quatre ans. Que puis-je espérer ou regretter de cette loi ?

Vous devez être considéré par votre médecin traitant comme encore fragile. La loi ne changera rien pour vous. On vous annonce dans ce texte que vous pouvez avoir recours au juge, mais cette procédure existait déjà dans le texte antérieur. Même si elle est davantage marquée cette fois-ci.

Thomas : Pouvez-vous nous détailler les autres éléments qui, dans le projet de loi sur les soins psychiatriques débattu actuellement au Sénat, vous inquiètent le plus ?

Il faut d’abord rappeler que le projet de réforme fait suite à la loi de 1990, qui elle-même réformait la loi du 30 juin 1838. Ce que nous attendions du texte au fond, c’était : à l’époque de la loi de 1990, ce qui était redouté était l’internement arbitraire. D’où l’introduction pour pouvoir être hospitalisé, de la nécessité de deux certificats. Nous attendions de la réforme actuelle qu’elle supprime ce deuxième certificat, dont les études montrent qu’il n’a pas d’intérêt.

Le deuxième élément que nous attendions, c’était le remplacement du trouble à l’ordre public par une formulation du style "mise en danger d’autrui". Les autres éléments étaient de savoir s’il fallait rester avec comme interlocuteur le préfet, comme depuis 1838, ou le juge, comme c’est le cas dans la plupart des pays européens.

Nous attendions aussi de ce texte qu’il redéfinisse les missions de la psychiatrie publique, et donc qu’il évoque les moyens nécessaires à ces missions.

Ce qui pose problème dans ce projet, c’est d’abord la regrettable absence de concertation, et l’urgence actuelle.

L’autre point, c’est ce que nous ressentons comme un almagame entre malades mentaux et délinquants en puissance, qui se révèle dans le fait que dans ce texte est repérée une catégorie particulière de patients considérés comme dangereux : les patients d’UMD (unités pour malades difficiles), ceux sortant de prison étant jugés non responsables de leurs actes.

On a l’impression que dans ce texte, le but est qu’il n’y ait plus de drames liés aux malades mentaux. Or nous n’arrêtons pas de le répéter : le risque zéro n’existe pas. Donc toutes les procédures mises en place dans ce texte, dans notre perception, visent à faciliter l’entrée – ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose –, mais visent aussi à compliquer le processus de sortie.

Or une loi nouvelle devrait toujours tendre à simplifier et clarifier les règles, poser des principes, tout en veillant à leur applicabilité par les professionnels et à leur compréhension par le citoyen. Le présent projet est loin de cet objectif.

Marlène : Quelle solution préconisez vous aujourd’hui pour protéger les malades mentaux, à la fois face à l’institution judiciaire et face à l’institution psychiatrique ?

Je suis surpris de la formulation de la question, car notre but, que ce soit les soignants ou les magistrats, est plutôt d’aider les personnes en souffrance. Il n’y a donc pas de raison de les protéger des soignants et des magistrats.

Il faut rappeler que le but des psychiatres est d’abord de soigner une personne qui n’a pas conscience de ses difficultés, de l’aider à prendre conscience de son problème et de voir avec elle quels moyens sont nécessaires et possibles pour qu’elle puisse vivre mieux dans la société.

Nous avons donc un rôle thérapeutique à double titre : d’une part, en proposant un traitement médicamenteux, et d’autre part, en proposant un suivi psychothérapeutique.

Nous avons aussi une mission éducative vis-à-vis du patient pour lui rappeler que dans la société, il y a des règles qu’il doit respecter s’il veut vivre à sa manière.

Notre souhait est que l’on fasse confiance aux soignants, qui essaient de faire ce travail de leur mieux. Et dans ces conditions, nous essayons de limiter au minimum nécessaire l’hospitalisation sans consentement, les soins ambulatoires sans consentement afin d’aboutir à ce but : que la personne puisse retrouver une place pleine et entière dans la société, donc au milieu des autres.

Marie : Le virage sécuritaire n’a-t-il pas été entamé depuis longtemps dans le domaine de la psychiatrie ?

La logique sécuritaire a, d’une certaine manière, toujours existé en psychiatrie, puisque ce sont les fondements de la psychiatrie publique. Nous avons, nous, psychiatres, une mission de garants du bon fonctionnement social des personnes.

Au sens où, dans les personnes présentant des troubles, il est reconnu depuis 1838 qu’il y a des malades et que ceux-ci doivent être traités non pas en fonction de leurs actes, mais en fonction de leur maladie.

Donc tous les psychiatres publics ont le souci que les personnes qui sortent de l’hôpital soient en capacité de vivre dans la société sans poser de problème à eux-mêmes, aux autres et à la société.

Simplement, jusqu’à présent, c’était notre expertise qui faisait foi et qui était attestée par des certificats que nous adressions aux préfets, qui suivaient notre avis en se positionnant davantage sur la forme que sur le fond. Et quand il y avait un questionnement, il y avait un dialogue entre la préfecture et le médecin traitant.

Ce dialogue permettait d’aboutir à la meilleure solution pour tous.

C’est la rupture de ce dialogue et la méfiance vis-à-vis des soignants qui nous font entrer dans cette logique sécuritaire.

Doudi : Quels sont les moyens des préfets pour faire pression sur vous, les professionnels de la psychiatrie ?

Dominique : Quels éléments sont fournis au préfet lors de la demande ?

Les préfets peuvent intervenir uniquement sur les hospitalisations d’office. Nous les informons régulièrement de l’évolution de l’état de santé du patient, et lorsque celui-ci va mieux, nous proposons aux préfets soit la levée de l’hospitalisation d’office, la poursuite des soins en libre, soit la sortie d’essai. Ce qui a changé, c’est qu’effectivement, aujourd’hui, le préfet nous demande de plus en plus d’information sur : le lieu où va le patient, les liens qui le lient à la personne chez qui il va, les conditions de prise en charge à la sortie. Au fond, il nous demande d’engager notre responsabilité sur le fait que le patient ne posera plus de problème. Ce qui nous pose problème...

Donc il existe une possibilité pour le préfet de refuser nos demandes lorsqu’il estime ne pas avoir suffisamment de garanties.

Dom : Comment faire prendre un traitement par voie orale sans consentement ? Le texte ne fait-il référence qu’à des traitements injectables sous contrainte ?

Lorsque le patient est hospitalisé, la plupart du temps, il est opposé – puisqu’il ne se reconnaît pas malade – à prendre un traitement. Il est donc souvent nécessaire d’utiliser des traitements injectables.

Notre but est très vite de passer à une forme orale et journalière de médicaments. Nous avons à notre disposition des traitements dits "retard" qui se font tous les quinze jours ou tous les mois, que nous proposons à nos patients soit quand ils nous le demandent par commodité – ils ont peur d’oublier leur traitement journalier –, soit parce que, en accord avec eux, nous savons que le patient, au bout d’un moment, va interrompre ce traitement oral.

Bien évidemment, cette pratique se fait avec l’accord du patient. L’idée du législateur, qui n’est pas écrite dans le texte, est peut-être de nous inciter à avoir recours plus souvent aux traitements dits "neuroleptiques retard" en espérant qu’à travers cette prise en charge, cela réduira les troubles du comportement de ces personnes.

Le risque pour nous est que le préfet nous "suggère" de mettre en place un traitement retard pour donner son accord à une sortie.

Bien évidemment, il ne nous est pas possible d’imposer à un patient qui refuserait de venir nous voir, qui déciderait d’interrompre les soins, la prise d’un traitement si c’est par choix, sans qu’il y ait rechute. Après tout, une personne peut choisir de vivre de manière originale, même si c’est peut-être marginal, mais je ne vois pas à quel titre les psychiatres devraient lui imposer un traitement au prétexte de cette originalité de vie.

Donc il est difficile d’imposer un traitement à quelqu’un qui ne collabore pas à son soin.

Marlène : Quelles dispositions manquent à cette loi ?

Plus que "quelles dispositions", je pense que ce qui manque est surtout un véritable temps de réflexion et de concertation. Il est nécessaire que les professionnels du soin, les magistrats et les politiques, y compris les maires, réfléchissent ensemble pour aboutir à un texte de compromis qui ne prête pas le flanc aux interprétations et aux procès d’intention.

Par exemple, une proposition serait de faire disparaître la notion de "trouble à l’ordre public" et de la remplacer par le risque de mise en danger d’autrui, ce qui amènerait probablement à ce qu’il n’y ait plus qu’une seule forme d’hospitalisation sous contrainte au lieu de deux actuellement.

Ce qui améliorerait le texte aussi, c’est qu’il n’y ait qu’un seul interlocuteur, soit le juge, d’après le Conseil constitutionnel. Et enfin, il serait important de redéfinir les missions de la psychiatrie publique, de garantir le mode d’organisation français de la psychiatrie publique, le secteur, qui est la base même du travail de proximité et de continuité de la prise en charge.

Il faudrait aussi mettre les moyens nécessaires à ces missions, car on demande beaucoup à la psychiatrie publique, on lui demande d’intervenir sur de multiples lieux et dans de multiples situations, alors que nos moyens ont été réduits très largement. Même s’il y a eu une petite amélioration à travers le dernier plan "santé mentale", qui a surtout permis un rattrapage plus qu’une véritable amélioration des moyens.


Le projet de loi sur l’hospitalisation d’office examiné sous haute tension au Sénat

LeMonde.fr avec AFP et Reuters | 10.05.11 | Le Sénat a entamé, mardi 10 mai, l’examen du très controversé projet de loi réformant l’hospitalisation d’office de personnes souffrant de troubles mentaux. Dans une atmosphère tendue : la rapporteuse centriste a claqué la porte après le rejet de son texte en commission et la gauche est très hostile à un projet qu’elle juge "sécuritaire", et qui rencontre l’opposition de tous les syndicats de psychiatres.

Ce projet de loi a été voulu par le président Nicolas Sarkozy fin 2008 après le meurtre d’un étudiant à Grenoble par un malade enfui de l’hôpital. Il prévoit que l’hospitalisation d’office passera obligatoirement par une période d’observation de soixante-douze heures en hospitalisation complète, mesure qualifiée de "garde à vue psychiatrique" par les opposants au texte. Le placement en soins sans consentement pourra être fait à la demande d’un tiers ou sur décision préfectorale, comme actuellement, mais aussi, "en cas de péril imminent" et en l’absence d’un tiers, sur la base d’un seul certificat médical. Le texte comporte un contrôle judiciaire imposé par le Conseil constitutionnel. Le juge des libertés se prononcera sur l’hospitalisation au bout de quinze jours puis tous les six mois. Les conditions de la sortie des soins sans consentement sont durcies.

TEMPÊTE EN COMMISSION

L’examen du texte se déroule dans des conditions singulières. Le texte remanié par l’adoption de cent soixante-trois amendements a été l’objet d’un imbroglio la semaine dernière au Sénat. La présidente centriste de la commission des affaires sociales de la chambre haute, Muguette Dini, rapporteuse du texte, a fait voter, contre l’avis du gouvernement, la suppression de la possibilité de "soins ambulatoires" psychiatriques sans consentement, mesure phare du projet de loi. Furieux, une grande partie des sénateurs UMP avaient voté contre le texte. Le PS s’étant abstenu et les sénateurs communistes ayant également voté contre, ce dernier avait été rejeté. Mme Dini s’estimant désavouée, a démissionné de son poste de rapporteur.

Pour ajouter à la confusion, la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à tous les amendements de l’opposition de gauche, cette dernière étant majoritaire lors de sa réunion mardi matin.

Mais, s’appuyant sur la Constitution, les services du Sénat ont décidé que le texte discuté en séance par les sénateurs serait celui voté en première lecture le 22 mars à l’Assemblée nationale. C’est une première depuis la révision constitutionnelle de 2008 qui prévoit que c’est le texte amendé en commission qui est discuté en séance.

MALAISE DANS LA MAJORITÉ

Lors de la discussion générale, les orateurs ont réclamé le "grand plan santé mentale" promis par le gouvernement et demandé des moyens. "Cette loi serait vaine si elle n’était pas accompagnée des moyens nécessaires pour la mettre en œuvre" a déclaré le nouveau rapporteur, Jean-Louis Lorrain (UMP). Le sénateur UMP Laurent Béteille a raconté avec émotion le calvaire d’un fils atteint de schizophrénie, exhortant ses collègues à abandonner toute posture "idéologique" et à examiner le projet "dans l’intérêt du malade". "On aurait pu espérer un texte de santé mentale qui aurait dû être beaucoup plus abouti", a regretté Alain Milon (UMP).

L’opposition a pilonné un texte "sécuritaire". Guy Fischer (CRC-SPG, communiste et parti de gauche) a dénoncé une "conception de la maladie mentale comme initiatrice de trouble à l’ordre public". Jacques Mezard (RDSE, à majorité PRG) a fustigé "la complexité des procédures" et "l’amalgame dangereux entre troubles psychiatriques et dangerosité".

"Je suis affligée de la façon dont le texte est caricaturé", "son objectif est une alternative à l’enfermement", a rétorqué la secrétaire d’Etat à la santé, Norra Berra. Elle a tenté de rassurer mardi matin en mettant en avant le rôle du psychiatre."C’est le psychiatre qui propose de lever l’hospitalisation, c’est le psychiatre qui propose le programme de soins et qui le définit, c’est le psychiatre qui demande le cas échéant la ré-hospitalisation ou la fin des soins", a assuré Mme Berra. Tout en admettant "les interrogations" et les "inquiétudes", elle n’a pas apporté de réponse précise notamment sur les "moyens adaptés" réclamés par sa majorité.

"NON À LA POLITIQUE DE LA PEUR"

Plusieurs centaines de personnes ont exprimé mardi leur opposition au projet de loi. "Non à la politique de la peur", ont scandé des manifestants, parmi lesquels figuraient de nombreux professionnels de santé, derrière une grande banderole proclamant "Retrait de la loi, un pour tous, tous contraints".

En pointe de la contestation, un collectif de trente-neuf psychiatres qui qualifie cette réforme de "déraison d’Etat". Son "Appel contre la nuit sécuritaire" a été signé par près de trente mille personnes. Le collectif refuse de voir la question des soins réduite à un pur contrôle sanitaire. L’intersyndicale des psychiatres publics avait déposé un préavis de grève pour la journée. Le mouvement a été faiblement suivi dans les hôpitaux généraux (5 à 15 %), la mobilisation étant plus forte dans les centres hospitaliers spécialisés (40 à 70 %), selon le Syndicat des psychiatres d’exercice public (SPEP).

"Cela montre qu’il y a une certaine crainte vis-à-vis de ce texte qui est inapplicable", a déclaré Angelo Poli, président du SPEP, qui dénonce "l’absence de concertation" et la "précipitation" des parlementaires. "Cette loi facilite les conditions d’entrée et complique les sorties", résume-t-il pointant "une logique de la peur" autour de "trois ou quatre cas extrêmes par an". Il rappelle que la proportion de schizophrènes dans la population est de l’ordre de 1 %, soit environ six cent mille personnes, dont l’immense majorité ne sont pas des assassins en puissance.

Quelque soixante-dix mille personnes sont hospitalisées sous contrainte chaque année, soit à la demande d’un tiers (soixante mille cas) ou d’office en cas d’atteinte "à la sûreté des personnes" ou "à l’ordre public" (dix mille cas).


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Publié sur OSI Bouaké le mercredi 11 mai 2011