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Le pouvoir d’une caméra contre l’exclusion des jeunes autochtones américains



13 août 2016 - Par Aude Massiot

Photo : Un enfant devant le studio mobile Wapikoni en 2015.

Manon Barbier et sa caravane Wapikoni mobile donnent depuis 12 ans la parole aux peuples autochtones des Amériques, en leur tendant la caméra.

Les applaudissements retentissent longuement dans la salle comble du Forum social mondial de Montréal, où Manon Barbeau parle de son projet. Cette cinéaste québécoise a dédié sa vie à donner la parole aux déracinés pour qu’ils recréent du lien avec l’autre. Depuis le début des années 2000, elle s’est focalisé sur les populations autochtones du Canada, puis plus largement de toute l’Amérique latine. En 2004, elle a créé la Wapikoni mobile, un studio ambulant de cinéma et de musique sur roue destiné à donner la caméra aux jeunes autochtones des Amériques.

Rendre visibles les peuples invisibles

« J’ai travaillé pendant deux ans avec une communauté atikamekw de Wemotaci, à 350 kilomètres au nord de Montréal, pour écrire un scénario de film, raconte Manon Barbeau. Wapikoni Awashish était la leader de ce groupe, une jeune fille lumineuse à laquelle je me suis beaucoup attachée. Dans cette communauté qui connaissait beaucoup de suicides, Wapikoni voulait vivre. Mais à 20 ans, elle est décédée dans un accident de la route où elle a percuté un camion forestier. » C’est après ce drame que la cinéaste a décidé de monter le studio ambulant et de lui donner le nom de la jeune fille.

Voilà maintenant douze ans que les caravanes arpentent les routes des Amériques. Elle est allée dans 47 communautés autochtones dont 17 en Amérique latine, avec le matériel technique « pour permettre à ces communautés que l’on disait invisibles de devenir visibles grâce à la caméra, qu’on les connaisse et les entende enfin », décrit Manon Barbeau. Sur son parcours, plus de 900 films ont été réalisés. Ils ont gagné 223 prix.

Former des leaders « J’ai très vite réalisé que par leur tradition, ces jeunes ont un accès facilité à l’image et au récit, explique la cinéaste québécoise. Au début, les aînés étaient un peu méfiants, mais comme ce sont les jeunes de la communauté qui tiennent la caméra, ils ont gagné en confiance. Ils en profitent maintenant pour transmettre leurs connaissances avant de disparaître. »

Manon Barbeau égraine les histoires de succès de la Wapikoni mobile. Des jeunes renfermés et sans espoir qui ont pu traverser le monde, et financer leurs études grâce aux films réalisés. Certaines de ces oeuvres ont même été présentées, en 2010, à l’exposition universelle de Shangaï en Chine, et aux Jeux olympiques de Vancouver, au Canada. Chaque année, certains jeunes ont aussi l’opportunité d’aller parler de leur vie d’autochtones aux Nations unies. Des échanges entre les communautés sont aussi organisés. De jeunes Atikamekws du Québec vont rencontrer des Mapuches du Chili.

Le projet a abouti à la création en 2014 du RICAA, le réseau international de création audiovisuelle autochtone. Manon Barbeau explique avec fierté : « Ces films travaillent à diminuer la méconnaissance du grand public envers la culture et les conditions de vie de ces peuples, et ainsi à réduire le racisme et les discriminations ».


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Publié sur OSI Bouaké le lundi 15 août 2016



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