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Le jour où je me suis pris pour Stendhal, de Philippe Cado



OSI Bouaké - 10 décembre 2012 -

« Vivre comme un héros de roman, il n’y a sans doute pas d’expérience plus intéressante pour un professeur de français. Jusqu’à mon arrivée à l’hôpital, je ne me serai jamais tant amusé. Le fil de cette histoire est assez simple. Une fois l’irrémédiable commis, j’étais dans l’impossibilité de voir en face une vérité trop cruelle pour moi. Aussi quand un fait venait me contredire, j’inventais autre chose qui l’intégrait à un scénario déjà délirant. Jamais à bout de ressources, j’étais dans la situation désespérée d’un emprunteur contraint d’emprunter à chaque fois davantage pour rembourser ses dettes. »

Philippe Cado est professeur en lettres dans un lycée de province lorsque s’insinue en lui une idée folle : révolutionner l’Éducation nationale en prenant modèle sur Stendhal. Peu à peu, échappant à son propre contrôle et à celui de l’administration, Philippe Cado emmène ses élèves dans son délire... Il fait ici le récit haletant de cette bouffée délirante qui le conduira jusqu’à l’hôpital psychiatrique. Quand il ne se prend pas pour Stendhal, Philippe Cado lutte au quotidien contre la schizophrénie. Solitude sociale, sentiment de vide, incapacité à choisir et à penser par soi-même, difficultés à trouver une médication adaptée, il évoque les symptômes et les contraintes de cette maladie mentale avec laquelle il a appris à vivre.

Source Santé Mentale

  • Le jour où je me suis pris pour Stendhal, Philippe Cado, Éditions Eyrolles, Histoires de vie, 2012, 192 pages.

Le prof qui se prenait pour Stendhal

Bibliobs - 06-09-2012 - par Jérôme Garcin

Tout a commencé par un long article de Pascal Quignard paru dans « l’Obs » et intitulé « Stendhal le tagger ». Un jour de mai 1992, le professeur de lettres Philippe Cado en donna des copies à ses élèves de seconde. Quignard y soutenait que l’auteur de la « Chartreuse » détestait le bien-écrire et pratiquait le « style tag » à la manière d’un « Roland furieux ».

Il rappelait aussi que, afin d’être vu sans être vu, Henri Beyle se cachait derrière des lunettes vertes et quelque 347 pseudonymes. Après avoir composé, pour sa tombe, un ultime graffiti (« Arrigo Beyle Milanese, Visse, Scrisse, Amo »), Stendhal fut foudroyé par une attaque, en 1842. Et Quignard de conclure : « Un gros homme tombe rue des Capucines dans l’imaginaire pur. »

Philippe Cado, lui, tomba alors dans la folie. Une semaine après la distribution de l’article, ce professeur de français, qui voulait « brûler de la folle ardeur des héros stendhaliens » et révolutionner l’Education nationale, entra hilare dans sa classe, se mit en équilibre sur deux chaises, dessina au tableau des tags et une paire de lunettes vertes. Un élève s’écria : « Monsieur, vous vous prenez pour Stendhal ! » Et Philippe Cado d’ajouter : « Jusqu’à mon arrivée à l’hôpital psychiatrique, je ne me serai jamais tant amusé. » Verdict de la faculté : schizophrénie dysthymique.

Vingt ans ont passé, et Philippe Cado (aujourd’hui en hôpital de jour) raconte son expérience dans « le Jour où je me suis pris pour Stendhal » (Eyrolles, 15 euros). Rarement le récit d’un délire aura été mené avec une telle rigueur et dans une prose si claire. Jamais, en fait, Philippe Cado, cette âme sensible, n’aura été plus stendhalien que dans ce texte sur l’amour sans retour, le repli sur soi, le retrait social, le désir de sublime, où il est sans cesse tiraillé entre le devoir d’« être vrai » et l’« impudeur de parler de soi » (« Souvenirs d’égotisme »). C’est Beyle en « HP » et c’est à perdre la raison.


Publié sur OSI Bouaké le lundi 10 décembre 2012