OSI Bouaké - "L’Afrique répond à Sarkozy. Contre le discours de Dakar", sous la direction de Makhily Gassama, éditions Philippe Rey Accueil >>  Zone Franche

"L’Afrique répond à Sarkozy. Contre le discours de Dakar", sous la direction de Makhily Gassama, éditions Philippe Rey



Format : 14,5 x 22 cm ; 480 pages ; Prix de vente TTC : 19,8 € ; ISBN : 978-2-84876-110-7 ; Parution le 21 février 2008

Cet ouvrage regroupe vingt penseurs et artistes qui ont décidé de combattre avec vigueur et rigueur, les propos tenus par le président français Nicolas Sarkozy dans son "discours de Dakar" le 26 juillet 2007. Choqués par les propos sur l’"homme africain", ils ont décidé de donner la réplique en attirant l’attention sur les vrais enjeux, sur les questions essentielles qui interpellent le vieux continent... Quelle est la responsabilité réelle des Africains dans les souffrances intolérables qu’endurent les populations ? Comment lutter contre la collusion de l’État français avec les dictateurs du continent ? Comment mettre un terme aux affreuses manipulations des Indépendances par la classe politique française ? Comment combattre le révisionnisme sournois qui réécrit l’histoire de la Traite négrière et de la colonisation ?


Présentation

Le 26 juillet 2007 à Dakar, lors de sa première visite en Afrique subsaharienne, Nicolas Sarkozy a prononcé son discours fondateur de la nouvelle politique africaine de la France. Le ton se voulait amical, un salut fraternel adressé aux jeunes d’Afrique. Mais derrière les paroles lénifiantes sur « l’âme de l’Afrique » ou la « Renaissance africaine » qu’il appelait de ses vœux, le président français a tenu des propos qui ont profondément blessé les Africains. Il y a eu, bien sûr, le désormais légendaire « paysan africain », selon Sarkozy, qui « ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles »… Mais aussi, comme certains l’ont noté, dans le ton parfois conciliant du discours, une manière sournoise de réévaluer l’œuvre de la colonisation : « [Le colonisateur] a pris, mais je veux dire avec respect qu’il a aussi donné. Il a construit des ponts, des routes, des hôpitaux, des dispensaires, des écoles. » Aucun signe de repentance qui aurait libéré le dialogue… Par contre le ton, à la fois paternaliste et arrogant, avait surpris et irrité...

Passé ce moment d’exaspération, un groupe d’intellectuels africains ont décidé de donner la réplique en attirant l’attention sur les vrais enjeux, sur les questions essentielles qui interpellent le vieux continent... Quelle est la responsabilité réelle des Africains dans les souffrances intolérables qu’endurent les populations (violences génocidaires, guerres fratricides, dictatures, gaspillage et pillages des ressources, persistance du pacte colonial, etc.) ? Quelle place pour l’Afrique dans la mondialisation ? Comment lutter contre la collusion de l’État français avec les dictateurs du continent ? Comment mettre un terme aux affreuses manipulations des Indépendances par la classe politique française ? Comment combattre le révisionnisme sournois qui réécrit l’histoire de la Traite négrière et de la colonisation ? Pourquoi des arguments racistes peuvent-ils être développés en terre africaine par le chef d’État d’une puissance moderne, d’un pays colonisateur de surcroît ? Quels effets de tels propos peuvent-ils avoir sur la jeunesse africaine en risquant de l’enfermer dans des clichés éculés ? Ces vingt penseurs et artistes ont décidé de combattre avec vigueur (et rigueur !) les arguments de Nicolas Sarkozy et, surtout, d’élargir le débat aux véritables défis pour l’Afrique d’aujourd’hui et de demain.

Liste des auteurs

• Zohra Bouchentouf-Siagh : professeur de linguistique et de littérature française et francophone (Alger, Vienne) • Demba Moussa Dembélé : économiste (Dakar) • Mamoussé Diagne : essayiste, professeur (Université Ch. Anta Diop, Dakar) • Souleymane Bachir Diagne : essayiste, professeur (Dakar, Chicago) • Boubacar Boris Diop : écrivain (Dakar) • Babacar Diop Buuba : professeur (Université Ch. Anta Diop, Dakar) • Dialo Diop : médecin biologiste (Dakar) • Makhily Gassama : essayiste (Dakar) • Koulsy Lamko : écrivain, professeur (N’Djaména) • Gourmo Abdoul Lô : avocat, professeur (Nouakchott, Le Havre) • Louise-Marie Maes Diop : géographe (Dakar) • Kettly Mars : romancière (Haïti) • Mwatha Musanji Ngalasso : essayiste, professeur (Université Montaigne, Bordeaux) • Patrice Nganang : écrivain, essayiste, professeur (Cameroun, USA) • Djibril Tamsir Niane : écrivain, historien (Conakry) • Théophile Obenga : égyptologue, linguiste, historien, professeur (France, Université d’État de San Francisco USA) • Raharimanana : écrivain (Madagascar) • Bamba Sakho : docteur en sciences, chercheur (France) • E. H. Ibrahima Sall : économiste • Mahamadou Siribié : doctorant en Science politique (Nice, France) • Adama Sow Diéye : professeur (Université Ch. Anta Diop, Dakar) • Odile Tobner : professeur (Cameroun, France) • Lye M. Yoka : professeur (Kinshasa)


Des intellectuels africains en colère

Le Monde | 28.02.08

http://www.lemonde.fr/archives/article/2008/02/28/l-afrique-repond-a-sarkozy-des-intellectuels-africains-en-colere_1016843_0.html

Séculaire, l’histoire d’amour ambiguë que vivent la France et l’Afrique ne date pas de l’élection de Nicolas Sarkozy. Mais il a suffi d’un discours, prononcé à Dakar le 26 juillet 2007, pour que le nouveau président de la République réveille les pires accusations de condescendance et de néocolonialisme. Sentencieux, essentialiste, le "discours de Dakar" a été reçu comme une insulte par les universitaires qui composaient l’auditoire. Là où ils attendaient les signes de la "rupture" annoncée dans les relations franco-africaines, ils n’ont eu droit qu’à un procès en responsabilité et à une justification de la colonisation. Sept mois plus tard, alors que M. Sarkozy s’apprête à prononcer, en Afrique du Sud, un nouveau discours, sont publiées les "réponses à Sarkozy" d’une vingtaine d’intellectuels africains. L’ennui est que l’ouvrage, plutôt que de développer des ripostes constructives et des analyses opérationnelles, offre un étalage souvent atterrant d’absurdités, d’approximations et de conformisme intellectuel. Comme si seule l’outrance grandiloquente pouvait rétorquer à l’agression pontifiante. Le pire est atteint dès le premier texte signé de Makhily Gassama, ancien ministre de la culture du Sénégal et coordonnateur de l’ensemble. A le lire, Nicolas Sarkozy n’est rien d’autre que l’héritier de l’Ancien Testament qui, avec la malédiction de Cham - qui fut maudit pour avoir vu la nudité de son père, Noé -, a diffusé le mythe du malheur des Noirs. L’esclavage des Hébreux sous les Egyptiens - un peuple de Noirs - serait à l’origine de ce bannissement. L’auteur reprend ainsi des thèmes chers aux groupuscules africains antisémites. Le texte atteint le délire en dressant un parallèle entre Moïse et... Hitler. L’esclavage, la colonisation et même la francophonie, "cette honteuse escroquerie planétaire", ne seraient ainsi que des manifestations de ce "piège infernal" tendu aux Africains "depuis l’Arche de Noé", et mis "au service des intérêts occidentaux". Sur pareil présupposé, comment construire des réponses convaincantes au sous-développement du continent ? Heureusement, les autres contributions ne reprennent pas ces divagations paranoïaques. Elles témoignent du monceau d’aigreurs accumulées - depuis l’esclavage jusqu’à la "Françafrique" -, et révélées par le discours de M. Sarkozy. Mais aussi de la difficulté des intellectuels à analyser les errements de responsables africains autrement qu’à travers le soutien de la France néocoloniale. Les promesses de M. Sarkozy leur avaient fait espérer une plus grande vigilance démocratique de la part de Paris. La profondeur de la déception est à la hauteur des attentes qui, même sous la hargne, s’expriment avec force. Mais l’exigence d’un nouveau dialogue franco-africain suppose un préalable auquel le président français n’a pas souscrit. "L’immense majorité des Africains n’attend de la France ni excuse ni repentir. Depuis longtemps, elle a pardonné. Ce que l’Afrique attend, c’est la fin de l’occultation de faits historiques", écrit ainsi Raharimana, écrivain malgache. L’Afrique est prête à reconnaître "sa part de responsabilité dans son propre malheur" à condition que la France en fasse autant à propos de la colonisation, précise le sociolinguiste Mwatha Musanji Ngalasso. A cet égard, la présentation par le président des échecs actuels du continent comme justifiant a posteriori la colonisation, a joué le rôle d’un chiffon rouge. De même, sa célébration du métissage euro-africain a été perçue comme une hypocrisie dans la bouche du champion des expulsions d’immigrés. Et il faut toute la hauteur de vue de l’économiste sénégalais Ibrahima Sall pour voir dans la provocation de M. Sarkozy une invitation à "construire une politique de l’universel-concret" que "nulle autre que la France n’est mieux placée (...) pour inspirer".

Philippe Bernard

[NDR : Pour information du lecteur d’OSI Bouaké, Philippe Bernard, journaliste au Monde, est l’auteur d’un ouvrage consacré à la réussite du modèle républicain en matière d’« intégration des beurs » dans la société française : « Crème des Beurs : De l’immigration à l’intégration »]


« L’Afrique répond à Sarkozy » : lettre ouverte à Philippe Bernard

Droit de réponse par Jean-Luc Raharimanana refusé par Le Monde

http://www.afrik.com/article13781.html

jeudi 6 mars 2008

Le quotidien français Le Monde a refusé la publication du droit de réponse que les auteurs du livre « L’Afrique répond à Sarkozy - Contre le discours de Dakar » ont fait à l’article signé par le journaliste Philippe Bernard et titré « Des intellectuels africains en colère. » Afrik.com, ardent défenseur de la liberté d’expression, le publie.

J’ai lu votre article concernant notre ouvrage collectif « L’Afrique répond à Sarkozy ». Permettez-moi ce droit de réponse même si votre texte s’acharne plus particulièrement sur Makhily Gassama, le coordinateur de l’ouvrage. Vous amenez sa contribution sur le terrain d’un débat complètement faussé : un débat d’ignare et d’obscurantiste. Alors que Makhily Gassama passe en revue le piège du mépris tendu au nègre tout au long de l’histoire, vous lui mettez sous la plume les mots de ceux qu’il combat, avant de le traiter de paranoïaque et d’antisémite ! Que devrons-nous penser de ce procédé que communément on appellerait pernicieux ? Vous parlez ensuite pour l’ensemble du livre d’un étalage atterrant d’absurdités et d’approximations sans le démontrer ! Le lecteur doit bien sûr vous croire sur parole, vous qui êtes « spécialiste de l’Afrique », contrairement à Makhily Gassama qui a consacré quarante ans de sa vie à sillonner le continent. Ne parlons pas des autres contributeurs comme Djibril Tamsir Niane, co-auteur avec feu Joseph Ki-Zerbo de « L’Histoire générale de l’Afrique » (Unesco/Présence Africaine), ils ont sûrement besoin de vos lumières de grand critique et de juge suprême. Je passe volontairement sous silence le nom de Théophile Obenga : tout ce qui se rapporte à Cheikh Anta Diop a le don d’exaspérer certains cercles bien identifiés et assez douteux. Plus loin, le reste des contributions ne témoignent pour vous que d’un monceau d’aigreurs accumulées – depuis l’esclavage jusqu’à la Françafrique. « Monceau d’aigreurs » donc lorsqu’il s’agit de dénoncer les forfaits subis par l’Afrique ? Tant de crimes contre l’Humanité, tant de constance dans la cruauté résumés en une seule expression : monceau d’aigreurs ! Quel mépris, quel manque de vision critique… Et quand vous me citez : « L’immense majorité des Africains n’attend de la France ni repentir ni excuse », serait-ce pour mieux conforter la non repentance clamée du sommet de l’Etat-Sarkozy ? Vous occultez le fond de mon article : l’Afrique, malgré les trahisons de ses dirigeants, a, vaille que vaille, commencé son travail de mémoire, et invité la France à faire de même. Selon vous, dans ce grand délire, il n’y aurait qu’Ibrahima Sall pour avoir une hauteur de vue. Par une phrase qui comme par miracle pose la France sur un piédestal : la nation la mieux placée pour inspirer à l’Afrique "l’universel-concret"... Soyez certains que le public qui connaît bien l’Afrique ne sera pas dupe de votre numéro de tam-tam.

JL. Raharimanana, co-auteur du livre "L’Afrique répond à Sarkozy"


Publié sur OSI Bouaké le samedi 15 mars 2008



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