OSI Bouaké - Kenya : Le delta du fleuve Tana menacé par les plantations de canne à sucre Accueil >>  Zone Franche

Kenya : Le delta du fleuve Tana menacé par les plantations de canne à sucre


Mots-Clés / Kenya

ICRA - 01 Mars 2010 - Le delta du fleuve Tana, terre ancestrale des pasteurs orma et wardei, est l’une des zones humides les plus importantes de l’Afrique et figure parmi les systèmes de marais d’eau douce les plus grands et importants du Kenya. Il couvre une superficie de 130 000 ha où le mélange de savane, de mangrove, de forêt et de plages produit de bons herbages pendant toute la saison sèche.

On y cultive du riz, du maïs, des mangues, du manioc, des bananes, des melons, des haricots, des petits pois et bien d’autres légumes. La plupart des agriculteurs appartiennent au groupe ethnique des Pokomo. Parmi les pêcheurs figurent les Bajuni et des migrants venus d’autres régions du Kenya. Le delta du fleuve Tana est vital pour près de 30 000 paysans, pasteurs et pêcheurs, ainsi que pour quelques populations minoritaires de cueilleurs et de chasseurs que l’on regroupe sous le nom de Wasanya.

Cet écosystème inestimable qui soutient une forte diversité biologique et les moyens d’existence de dizaines de milliers de personnes pourrait bien être bouleversé pour l’appât du gain à court terme. La course aux agrocarburants est à l’origine d’un projet de plantation de canne à sucre de grande envergure, dont l’objectif est de produire un grand volume d’éthanol pour l’exporter en Europe.

L’entreprise sucrière Mumias Sugar Company Ltd (MSC) et la Direction du développement du fleuve Athi (TARDA), qui prévoient de s’associer en une joint-venture privée, ont proposé d’affecter à la canne à sucre 20 000 hectares dans le delta, dont la plupart sont intacts. Le 11 juin 2008, la Direction kényane de la gestion de l’environnement (NEMA) a approuvé le projet. Faisant preuve de manque de vision, les profits potentiels ont été surestimés et les bénéfices écologiques du delta du Tana ignorés, d’après un rapport fait à la demande de la Société royale pour la protection des oiseaux. Parmi les fonctions écologiques du delta, “qui défient toute évaluation”, figurent la prévention des inondations, le stockage de gaz à effet de serre et la production d’aliments. Le rapport conclut que la mise en œuvre du projet aurait de graves conséquences environnementales.

Les villageois et les pêcheurs, ainsi que les pasteurs qui y mènent 60 000 têtes de bétail depuis des régions aussi lointaines que les frontières de la Somalie et de l’Éthiopie pendant la saison sèche, furieux parce que leurs inquiétudes concernant la perte de leurs moyens d’existence n’ont pas été prises en compte, ont perturbé les audiences publiques organisées au sujet du projet.

“Depuis des temps immémoriaux, des milliers d’éleveurs ont dépendu du delta pour faire paître et abreuver leur bétail. Quand la sécheresse est forte, ils viennent en foule d’aussi loin que Garissa et Ijara, dans la province Nord-orientale, cherchant de l’herbe et de l’eau”, a dit M. Hussein Guracho, un vieillard orma. “Quand Tarda et Mumias mettront leur projet en œuvre, des millions d’animaux seront anéantis par la sécheresse car la région du fleuve Tana est semi-aride ; plus de 100 000 pasteurs perdront leur gagne-pain”, a-t-il expliqué.

L’indignation a poussé les manifestants à dire que, pour construire l’usine, il faudra que Tarda leur passe d’abord sur le corps . Des cas comme celui du delta du fleuve Tana montrent le côté destructeur des agrocarburants, les déplacements qu’ils provoquent et la misère qu’ils apportent quand ils occupent de grandes étendues de terres qui sont essentielles à la subsistance des gens.


Publié sur OSI Bouaké le lundi 1er mars 2010

LES BREVES
DE CETTE RUBRIQUE