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« J’ai décidé de partir, contre l’avis de ma mère »



Libération / OSI Bouaké, le 13 juillet 2009

OSI Bouaké reprend ici un des six témoignages publiés hier dans Libération. Nous avons choisi celui de Toumani, qui laisse entrevoir le destin d’un orphelin africain devenu sans papiers en France. Il montre qu’il existe une continuité entre l’orphelinage, la pauvreté et la migration, ce qui correspond bien à notre approche de ces problèmes.

Les autres portraits sont à voir en ligne sur le site de Libé.

SD


« J’ai décidé de partir, contre l’avis de ma mère »

Le 24 juin, 1.300 sans-papiers ont été expulsés par la CGT de la Bourse du travail, dans le IIIe arrondissement à Paris, qu’ils occupaient depuis mai 2008. Rencontre.

Propos recueillis par Cordélia Bonal, photo Vincent Nguyen : Paris, le 3 juillet 2009 - Toumani, sans-papiers sénégalais, devant la Bourse du Travail.

Toumani, 38 ans, est arrivé du Sénégal en 1997 :

« J’ai toujours travaillé. J’avais 10 ans mon père est mort, je me suis occupé du bétail avec mes quatre frères et sœurs. De toute façon, ma mère ne pouvait plus payer l’école.

A 20 ans, comme je voyais que ceux qui voyageaient rapportaient de l’argent, que les voisins vivaient mieux que nous, j’ai décidé de partir, contre l’avis de ma mère. J’ai vendu une partie des vaches pour me payer un billet vers la République tchèque, parce que j’avais obtenu un visa pour là-bas. Evidemment, je ne comprenais pas un mot.

Donc je suis allé en France, je connaissais la langue et c’est un pays que j’aime... même si je connaissais absolument personne. Je savais faire le ravalement, le papier peint, je suis allé voir les bureaux d’intérim.

J’ai dit : "je veux travailler chez Bouygues", en précisant ouvertement que j’avais pas de papiers. On m’a répondu : "il faut en trouver". Alors j’ai emprunté la carte de séjour d’un autre Sénégalais du foyer, à Montreuil. La photo ressemblait pas du tout mais ils ont même pas regardé, ça leur a suffit. J’ai travaillé chez Bouygues pendant quatre ans, 11000 francs par mois.

A la fin, ils m’ont demandé de montrer ma carte. Je leur ai simplement dit : "vous savez bien que j’ai pas de papiers". Mais je travaillais bien, tous les chefs voulaient travailler avec moi. Toutes les fins de mois, je renvoyais de l’argent, selon ce qui manquait à la maison.

J’ai fait de demandes de régularisation à la préfecture, en 2003 et 2006. Je suis parti de Bouyques à cause d’un nouveau chef en qui je n’avais pas confiance, j’avais peur d’être dénoncé.

Je suis devenu éboueur en banlieue parisienne, en CDI. Encore avec les papiers de quelqu’un. En échange, je lui donne de l’argent pour qu’il paie les impôts.

J’ai économisé de l’argent pour le jour où j’aurais des papiers. Ce jour-là, je mettrai tout en route : un logement à moi, une femme, on montera un commerce. »


VOIR EN LIGNE : Libération
Publié sur OSI Bouaké le mardi 14 juillet 2009



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