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Au pays des mythes navajos



Libération - Regard sur la folie - 25 mars 2010 - Laure Gruel et Stéphane Moiroux

Canyon de Chelly, cœur de la nation navajo. 300 mètres de falaises parsemées de ruines Anasazies. Tout au bout, se trouve la Spider Rock, une tour minérale dressée en plein centre du canyon.

Bobby est né dans ce canyon. Aujourd’hui, il le fait visiter aux touristes et en raconte l’histoire. C’est là que les hommes auraient reçus des esprits les cérémonies sacrées de guérison.

Il existait vingt six cérémonies. Une dizaine est encore pratiquée par les hatalis (guérisseurs navajos) actuels. Les autres ont été oubliées. Pendant plusieurs jours et nuits, le guérisseur opère différents rites, chants et peintures de sable autour du malade. Le dernier jour, les proches du patient se réunissent auprès de lui.

Ces cérémonies sont issues des mythes navajos. Ils racontent les aventures de héros qui, après avoir subi plusieurs épreuves, se voient confier par les Etres Sacrés les remèdes relatifs aux maux dont ils souffrent. A chaque maladie, sa cérémonie et son mythe. En chantant le mythe adéquat, l’hatali transmet le pouvoir du héros au malade. Le patient, en s’appropriant ce pouvoir surmonte les épreuves de sa maladie telle une ordalie mythique. Un important processus d’identification s’opère.

Les peintures de sable sont un autre élément symbolique de la guérison navajo. Elles sont peintes au sol, devant le patient, puis détruites à différentes étapes de la cérémonie. « Ces mandalas représentent le cosmos en miniature et en même temps le panthéon. Son élaboration équivaut à une re-création magique du monde. Devenant symboliquement contemporain de la Création du Monde, le patient est immergé dans la plénitude originelle de la vie. Il est imprégné par les forces gigantesques qui ont rendu la création du monde possible. » Ainsi chaque peinture est un générateur d’énergie psychique. Elle concentre le pouvoir en un point précis. L’hatali, en employant le support physique du sable, transfère ce pouvoir sur le malade.

Lorsque l’on considère ce fort processus symbolique, il semble évident que le patient doive partager les croyances fondamentales du guérisseur et de sa culture pour que la guérison puisse se produire. « Si une personne est mordue par un serpent, on peut utiliser des chants et rituels, mais si cette personne ni croit pas, tout cela ne servira à rien. »

La médecine navajo n’est pas directement vouée à régler un soucis de santé mais plutôt à corriger des disharmonies. Le concept de santé est intimement lié à celui d’harmonie et de beauté. Il n’y a qu’un seul et même mot définissant ces termes dans la langue navajo : Ohzho. Les cérémonies associent ces différentes conceptions en un même ensemble. Les peintures de sable, les chants, la guérison, la recherche de l’harmonie, tout n’est qu’un. “Lorsque nous parlons de "beauté", nous parlons nécessairement de religion, de philosophie, de santé. »

Au fond du canyon, une pancarte pour touristes. Deux mots seulement et la Spider-Rock tout en bas. « Ohzho naascha », marcher en beauté.

  • Sandner D., Rituels De Guérison Chez Les Navajos, Editions Du Rocher, 1996.
  • Pfitser O., Revue Imago, XXIII, N° 1, 1932, pp. 81-10

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Publié sur OSI Bouaké le mercredi 31 mars 2010